La détermination de la
figure de la Terre, autrement dit l'étude de la
Forme de la surface externe du globe terrestre et de ses dimensions, constitue l'une des tâches classiques de la
Géodésie. Elle fournit des informations essentielles pour la
Géophysique et la
Géodynamique théorique. Il convient de remarquer, cependant, qu'une surface générale est le plus souvent un objet géométrique auquel on n'associe pas de propriétés physiques particulières. Tel n'est pas le cas de la figure de la Terre, que l'on doit déterminer en faisant intervenir, d'une manière ou d'une autre, le champ de
Pesanteur terrestre. De ce fait, on doit associer à la forme géométrique des propriétés physiques : la plupart des surfaces qu'on définira pour représenter la figure de la Terre sont des surfaces de niveau, ou surfaces équipotentielles, autrement dit, des surfaces sur lesquelles le potentiel de pesanteur est constant. Il n'existe pas une seule définition de la figure de la Terre, mais plusieurs qui ont chacune leur utilité et leur raison d'être. Ainsi, en-dehors de la figure topographique (ou
topoïde), qui n'est pas une surface de niveau mais dont les diverses cotes font quand-même appel à la pesanteur, on définit une figure équipotentielle
ellipsoïdale (ou
ellipsoïde normal), une figure d'équilibre hydrostatique (ou
hydroïde) et finalement une surface équipotentielle qui décrit au mieux le champ de pesanteur dans lequel se meuvent les satellites artificiels. Cette dernière, appelée le
Géoïde, est de plus en plus considérée comme
la figure de la Terre, mais c'est oublier que pour les géographes le topoïde est la surface la plus importante, que pour les géodésiens l'ellipsoïde joue un rôle bien plus important que le géoïde, et que les géophysiciens font souvent appel aux propriétés de l'hydroïde plutôt qu'à celles du géoïde. Tous comptes faits, ce sont surtout les géophysiciens s'occupant de dynamique du manteau et de tectonique globale qui font appel au géoïde.
Aspects historiques
Les premières hypothèses concernant la forme de la Terre remontent à la nuit des temps, mais ce n'est qu'au cours du que l'hypothèse d'une forme sphérique fut formulée explicitement, et ne fut ensuite plus guère mise en doute par les gens érudits jusqu'à la deuxième moitié du
XVIIe siècle. À cette époque les travaux de
Christiaan Huygens (
1629–
1695) sur la
Force centrifuge et la parution en
1687 de l'ouvrage d'
Isaac Newton (
1643–
1727) « Principia mathematica philosophiae naturalis », ainsi que les mesures de grands arcs géodésiques en France, ont conduit à penser que la forme de la Terre devait être celle d'un
Ellipsoïde de révolution, autrement dit celle d'un sphéroïde au sens restreint.
La première détermination connue du rayon R de la sphère terrestre est due au savant alexandrin Ératosthène de Cyrène (273 – 192 av. J.-C.). La méthode de mesure qu'Ératosthène inventa, et qui porte son nom, fait de lui le véritable fondateur de la Géodésie, même si la valeur de R obtenue à l'époque devait se situer au mieux aux alentours de 10% de la valeur réelle. Au cours de nombreux siècles qui suivirent les travaux d'Ératosthène, on essaya d'améliorer la connaissance de la valeur du rayon terrestre : des Grecs, des Arabes, des Chinois, des Anglais et des Français, pour ne citer que les principales nations qui au départ ont participé à cette quête. La dernière détermination de R basée sur l'idée d'une Terre sphérique fut celle de l'abbé Jean Picard (1620–1682). Bien que très vite après les mesures de Picard on se soit aperçu qu'en première approximation la forme de la Terre n'était pas une sphère, mais plutôt un ellipsoïde de révolution faiblement aplati, la valeur R obtenue par Picard fournit avec une bonne précision le rayon moyen de la Terre. Cela est dû au fait que les mesures de Picard furent effectuées dans les environs de Paris, donc à des latitudes moyennes, où la distance de la surface au centre de la Terre est proche de la valeur du rayon de la sphère qui possède le même volume que l'ellipsoide.
Surface topographique, ou « topoïde »
C'est la surface sur laquelle nous marchons et nous grimpons. C'est la surface qui intéresse au premier chef les topographes, les géologues, les géographes et les géomorphologues. Cette surface est trop rugueuse, trop accidentée, trop complexe pour admettre une représentation mathématique qui puisse la décrire en détail. Toutefois, Prey puis Vening Meinesz en ont fourni des développements en harmoniques sphériques de surface arrêtés au 16
e et au 32
e ordre, respectivement.
Figure géodésique de référence : ellipsoïde normal, ou « sphéroïde »
Pour servir de base aux
mesures géodésiques la surface topographique n'est pas appropriée, car elle n'est pas de niveau ; or, la plupart des appareils géodésiques doivent être
mis en station, c'est–à-dire se repèrent par rapport à la
Verticale de l'endroit où l'on effectue les mesures. Or, la verticale du lieu est normale à la surface de niveau en ce point. Comme standard de référence pour étudier la figure de la Terre et le champ de pesanteur on adopte donc un ellipsoïde de révolution auquel on attache la propriété physique d'être une surface équipotentielle pour la pesanteur. Une telle surface de niveau ellipsoïdale est souvent appelée «
sphéroïde normal ». Dans cette appellation, on emploie le mot «
Sphéroïde » au sens restreint d'un ellipsoïde à symétrie axiale ; dans son acception générale, ce mot désigne une figure géométrique vaguement sphérique, et peut s'appliquer tout aussi bien au
Géoïde envisagé plus bas.
D'un point de vue géométrique, un ellipsoïde de référence est complètement défini si nous fixons, outre son Orientation dans l'espace, deux quelconques parmi les trois éléments suivants :
- a, le demi-grand axe de la section elliptique dans un plan passant par l'axe polaire : a désigne, en pratique, le rayon équatorial de la Terre ;
- c, le demi-petit axe, qui est, en pratique, équivalent au rayon polaire de la Terre ;
- f, l'aplatissement géométrique, défini par f = a−c⁄a.
Lorsqu'on peut se limiter à une précision de l'ordre de 100 à 150 mètres sur la détermination des altitudes rapportées au niveau moyen de la mer, une telle surface de niveau en forme d'ellipsoïde de révolution fait bien l'affaire, à condition de bien ajuster les paramètres représentant le rayon équatorial et l'aplatissement géométrique. Même si un ellipsoïde de référence est une surface de niveau par définition, il convient de ne pas lui attacher de signification physique. En particulier, dans sa définition on ne spécifie pas la distribution des masses en son intérieur, même si l'on stipule que sa masse totale M doit être celle de la Terre. Par conséquent, le potentiel gravifique n'est pas défini à l'intérieur de l'ellipsoïde. Néanmoins, pour que l'ellipsoïde de référence puisse se prêter à des calculs gravimétriques, sa propriété d'être une surface équipotentielle pour la pesanteur est essentielle.
Potentiel de pesanteur du sphéroïde normal
Une surface de niveau est une surface sur laquelle la somme du potentiel gravifique V et du potentiel axifuge Z reste constante. On appelle cette somme
V+Z le potentiel de pesanteur et on le désigne par U. Ainsi, l'équation d'une surface de niveau s'écrit
U (x 1 ,x 2 ,x 3 ) = U o .En considérant la « constante » U o comme un paramètre, toute une famille de telles surfaces de niveau est ainsi définie. Ces surfaces s'emboîtent sans se recouper. Dans la suite, partout où c'est nécessaire, un astérisque distinguera les quantités relatives à l'ellipsoïde. Ainsi, V* est le potentiel de gravité normale, et U* = V* + Z est le « potentiel de pesanteur normale », ou simplement le potentiel normal. Le potentiel de pesanteur actuel de la Terre, U = V+Z, est appelé « géopotentiel ». Les constantes particulières définissant le géoïde et l'ellipsoïde de référence sont dénotées U o et Uo*, respectivement.
Potentiel axifuge
Pour un point matériel quelconque attaché à la Terre, la rotation de celle-ci produit une accélération axifuge perpendiculaire à l'axe de rotation. En effet, si
(x 1 ,x 2 ,x 3 ) sont les coordonnées cartésiennes du point matériel par rapport à des axes fixes dont l'origine O est le centre de la Terre,
Ox 3 étant orienté le long de l'axe polaire, les composantes de l'accélération axifuge du point sont
(- ω 2 x 1 , - ω 2 x 2 , 0). La lettre grecque
ω est utilisée conventionnellement pour désigner la vitesse angulaire de rotation de la Terre. Dans le système géodésique de référence international utilisé actuellement elle possède la valeur
ω = 7,292 115 × 10−5 rad⁄s. (plus précisément, 7, 292 115 146 706 4 « nominal »)Or, les composantes de l'accélération d'un point matériel se mouvant librement dans un champ de force gravifique sont égales aux composantes du champ de force gravifique par unité de masse, c'est-à-dire égales à }}. Dans un repère tournant avec la Terre, les composantes de l'accélération sont égales aux différences entre celles d'une particule gravitant librement et celles d'une particule qui coïncide initialement avec elle, mais qui est attachée à la Terre. Ce sont les composantes g i de la pesanteur. On a :
g 1 (x 1 ,x 2 ,x 3 ) = - | ∂ V –––––––– ∂ x 1 | + ω 2 x 1 |
,g 2 (x 1 ,x 2 ,x 3 ) = - | ∂ V –––––––– ∂ x 2 | + ω 2 x 2 |
,
g 3 (x 1 ,x 2 ,x 3 ) = - | ∂ V –––––––– ∂ x 3 |
.
Dès lors, nous définissons le potentiel axifuge par l'expression
Z (x 1 ,x 2 ,x 3 ) = - tfrac12 ω 2 (x 1 2 + x 2 2 ).Potentiel de gravité extérieur d'un sphéroïde normal
Le problème consiste donc à déterminer
V*, sur la surface de niveau
U* = Uo* et à l'extérieur de l'ellipsoïde dans tout l'espace, en termes de l'aplatissement f, et de comparer ensuite l'expression obtenue ainsi avec l'expression du potentiel gravifique extérieur V déterminé par la géodésie spatiale au moyen de
données satellitaires afin d'obtenir un ajustement pour f. Une solution pour la première partie de ce problème, à savoir l'obtention d'une expression pour le champ gravifique externe d'un sphéroïde normal, fut donnée en
1894 par le géodésien italien Pizzetti
Ce dernier résolut l'équation de Laplace qui régit le potentiel newtonien extérieur dans un système de coordonnées ellipsoïdales qui est directement adapté à une surface-frontière sphéroïdale, et obtint une formule fermée qui peut être développée en série de puissances de f. La précision des mesures géodésiques globales est telle que les termes en f et f 2 doivent être retenus, mais que les termes d'ordre f 3 et plus petits peuvent être négligés en pratique ; cependant, la considération de termes d'ordre supérieur au second ne pose aucun problème. Ainsi, un développement de V* incluant les termes en f 3 a été publié par Cook en 1959 et par Hirvonen en 1960. Des comptes-rendus concernant la théorie de Pizzetti se trouvent dans de nombreux ouvrages. Cependant, dans les applications pratiques il est en général plus approprié d'employer un système de coordonnées sphériques plutôt que de coordonnées ellipsoïdales et de procéder à un développement en série d'harmoniques sphériques, nonobstant le fait de la difficulté mathématique engendrée par des problèmes de convergence lorsqu'on utilise un système de coordonnées sphériques polaires pour traiter une situation de géométrie non-sphérique.
Dans le cas présent, on peut prouver que le développement en harmoniques sphériques du potentiel gravifique extérieur d'un ellipsoïde de niveau converge sur la surface de l'ellipsoïde, et même bien en-dessous de cette surface jusqu'à la surface sphérique homocentrique passant par les foyers de l'ellipsoïde. Il devrait être clair, toutefois, que le prolongement analytique du potentiel extérieur à l'intérieur de l'ellipsoïde ne peut pas représenter de façon appropriée le potentiel interieur, parce que la solution pour le potentiel extérieur n'est pas une solution de l'équation de Poisson. La démonstration du théorème de Moritz peut être esquissée de la manière suivante : À cause de la symétrie de révolution du sphéroïde normal, le développement formel de V* en une série d'harmoniques sphériques contiendra seulement des termes zonaux, et à cause de la symétrie par rapport au plan équatorial (théorème de Lichtenstein), il y aura seulement des termes pairs. Dès lors, la série formelle peut se mettre sous la forme
.Figure hydrostatique, ou « hydroïde »
Cette section est vide, pas assez détaillée ou incomplète. Votre aide est la bienvenue ! Figure dynamique, ou « géoïde »
Article détaillé : .Notes
Sources
La source primaire de la section
Figure géodésique de référence : ellipsoïde normal, ou « sphéroïde » est une partie d'un rapport rédigé par le Pr. Carlo denis de l'Université de Liège :
- (en) C. Denis (1985). The Hydrostatic Figure of the Earth, Geophys. Rep. Publ. I.A.L. 85/002, Université de Liège, Institut d'Astrophysique et de Géophysique, VII + 112 pp.
Ce rapport a servi de base à deux chapitres du volume 4 du traité de géophysique en six volumes
Physics and Evolution of the Earth's Interior édité par R. Teisseyre, à savoir :
- (en) C. Denis, E. Majewski, R. Teisseyre & J.B. Zieliński (1989). The Earth's Gravity Field, Physics and Evolution of the Earth's Interior 4, Gravity and Low-Frequency Geodynamics (edited by R. Teisseyre), Chap. 1, pp. 1–77. PWN-Polish Scientific Publishers & Elsevier, Amsterdam.
- (en) C. Denis (1989). The Hydrostatic Figure of the Earth, Physics and Evolution of the Earth's Interior 4, Gravity and Low-Frequency Geodynamics (edited by R. Teisseyre), Chap. 3, pp. 111–186. PWN-Polish Scientific Publishers & Elsevier, Amsterdam.
Voir aussi
Références bibliographiques
- (en) B.H. Chovitz (1981). Modern geodetic Earth reference models, EOS Transactions of the American Geophysical Union 62, 65–67.
- (en) A.H. Cook (1959). The external gravity field of a rotating spheroid to the order of e3, Geophysical Journal of the Royal Astronomical Society 2, 199–214.
- (en) R.A. Hirvonen (1960). New theory of the gravimetric geodesy, Ann. Acad. Scient. Fenn., Ser. A.III, 56, VIII + 50 pp., Publications of the Isostatic Institute of the International Association of Geodesy.
- (en) W.D. Lambert (1961). Note on the paper of A.H. Cook "The external gravity field of a rotating spheroid to the order of e3", Geophysical Journal of the Royal Astronomical Society 3, 360–366.
- (en) H. Moritz (1980). Geodetic Reference System 1980, Bulletin Géodésique 54, 395–405.
Liens internes concernant l'histoire de la figure de la Terre
Voici quelques liens vers des articles ayant trait à l'histoire de la
Géodésie et de la figure de la Terre :
- Figure de la Terre dans l'Antiquité
- Figure de la Terre au Moyen Âge
- Figure de la Terre à la Renaissance
- Figure de la Terre et gravitation universelle
- Modèle ellipsoïdal de la Terre
- Figure de la Terre et les expéditions de Laponie et du Pérou
- Sphéroïde de Clairaut
- Masse de la Terre
- Figure de la Terre et méridienne de Delambre et Méchain
- Figure de la Terre et histoire du mètre
- De l'ellipsoïde au géoïde
Liens internes généraux
- Géodésie
- Géoïde
- gravimétrie spatiale
- ellipsoïde de révolution : l'exemple choisi y est celui de la Terre (WGS84)
- masse fluide en rotation
Liens externes